BD : L’arme fatale

Aujourd’hui, la BD polar a trouvé sa place, a droit à ses prix, ses festivals. Surtout, elle a mûri dans l’utilisation des codes.

Crédit photo : Photo de Sümeyye Uğurlu

Juillet 1945… « Dites, les enfants, qu’est-ce que tout ça signifie ? Cela signifie que l’argent sale ne porte jamais chance. Non, l’argent sale n’amène que de la désolation et de la tristesse, de la misère et du déshonneur… » Le maire de New York, Fiorello La Guardia, lit à la radio une page de Dick Tracy. Il déclame les dialogues, fait les bruitages, s’emporte jusqu’à livrer sa propre morale de l’histoire. Ce moment à la fois désopilant et historique n’a rien d’absurde.

Comme les distributeurs de journaux sont en grève, l’édile cherche à remédier à l’absence de quotidiens dans les foyers new-yorkais et veut apporter leur dose de divertissement aux enfants. Les aventures du détective privé créé par Chester Gould en 1931 ne constituent pourtant pas un amusement innocent avec leurs fusillades explicites et d’occasionnelles séances de torture. Dick Tracy affronte des truands sadiques et corrompus qui connaissent des morts violentes – l’espion nazi The Brow (Le Front) finit même empalé sur un mât. Cela n’empêche pas l’opinion publique de considérer Dick Tracy, cet archétype de la BD polar première époque avant tout destinée à la jeunesse, comme un prolongement du jeu des gendarmes et des voleurs pratiqué dans les cours de récréation.

Crédit photo : Photo de Mikhail Nilov

Naissent dans les quotidiens d’autres excellentes séries, telles que Secret Agent X-9, dont les récits d’espionnage sont, au début, dessinés par Alex Raymond sur scénario de Dashiell Hammett. Créé en 1940 par Will Eisner, le héros du Spirit est un justicier masqué, mais ses aventures n’ont pas la dimension onirique de celles des super-héros costumés à la Superman. Jouant avec les codes du roman noir, du fantastique et de la comédie, Eisner cherche à immerger son personnage – le détective privé Denny Colt – dans le quotidien des petites gens.

Malgré les ambitions de leurs auteurs, ces premières réussites n’ont pas le retentissement du Faucon Maltais de John Huston ou de La Dame du Lac de Raymond Chandler. Pendant des décennies, alors que des auteurs et des cinéastes donnent au film et au roman noirs leurs lettres de noblesse, la bande dessinée policière tarde, elle, à s’émanciper.
Elle est retenue dans le filet d’éditeurs familiaux qui ont peur de franchir la ligne jaune de la bien-pensance. En France et en Belgique, les détectives privés se multiplient, mais, qu’ils s’appellent Jean Valhardi ou Ric Hochet, ils évoluent dans un univers où la violence est aseptisée et la chronique sociale absente.

Découvrez la suite dans l’article BD : L’arme fatale par V. Brunner parus dans Alibi #7

Alibi #7 – BD : l’arme fatale.
Un grand dossier consacré à la bande dessinée.
Entretien avec Philippe Jaenada, amateur éclairé de faits divers, et Leonardo Padura, l’un des maîtres du polar latino.

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