En moins de dix romans, il s’est imposé dans le paysage du polar en France comme à l’étranger. L’un des plus importants vendeurs de livres du pays se confie, en délivrant quelques saillies bien senties – car le père de Servaz n’a pas sa langue dans sa poche. Pour notre plus grand plaisir.
Il est confortablement installé dans le salon de sa maison, près de Rambouillet, casque sur les oreilles, tasse de café importé d’Italie dans la main ( « une merveille, pas plus chère que les fameuses capsules, c’est une jeune femme que j’ai rencontrée en Italie qui en est à l’origine, je vous le conseille vivement: Costiera Caffè. »), le sourire aux lèvres, un crâne trônant fièrement sur un meuble derrière lui. Il a de quoi être heureux, Bernard Minier : depuis quelque temps, il caracole en tête des ventes de livres. Que de chemin parcouru pour l’ancien contrôleur des douanes, qui a connu une ascension fulgurante dès son premier roman, Glacé. Mais le succès ne lui est pas monté à la tête: il est toujours aussi sympathique, disponible et ouvert. Compte rendu d’un entretien avec l’un des maîtres du thriller, qui cite Tolstoï, Balzac ou Stephen King …
D’ailleurs, La Chasse, votre dernier roman, est plus court que les précédents. On a l’impression que vous écrivez peut-être un peu différemment, plus ramassé …
C’est vrai. Ce roman en particulier est celui qui comporte le moins de pages et de signes de tous mes livres. Je réduis en effet, je suis passé d’un million de signes pour Glacé à cinq cent mille pour mon précédent, La Vallée, et pour celui-ci, je crois qu’on tourne aux alentours de quatre cent mille signes. Il y a une désinflation évidente, due au fait que je raconte des histoires sur un autre mode. C’est une évolution dans mon écriture, j’ai besoin que ça aille plus vite. Dans les premiers romans, on veut tout donner, on montre ses muscles en mode « regardez ce que je suis capable de faire ». Avec le temps et l’expérience, on se centre davantage sur nos personnages et l’histoire et moins sur le côté démonstratif. Je sais qu’il y a des lecteurs nostalgiques, qui regrettent l’époque des gros pavés comme Le Cercle, mon plus gros livre (plus d’un million deux cent mille signes), qui préfèrent ce rythme lent, dans lequel on prend le temps de s’installer. Mais il y a aussi les lecteurs qui aiment quand ça fuse, quand ça va vite. On ne peut pas contenter tout le monde. Peut-être que je devrais faire deux versions de chaque roman, une longue et une courte et chacun pourrait choisir [rires].
Cette « désinflation », comme vous dites, n’est-elle pas due au fait que c’est votre septième roman avec Servaz?
Je ne pense pas, car même si les lecteurs commencent à le connaître – et moi aussi -, son bagage est de plus en plus lourd à porter. Il a sa compagne Léa, il a Gustave qu’il doit élever. Tout cela vient des livres antérieurs, il faut malgré tout en parler. Sa vie personnelle a peut-être plus d’importance que dans Glacé, où il évoluait tel un loup solitaire. Mais c’est plutôt ma façon de raconter les choses qui a changé. Et dans La Chasse, il s’agit davantage d’une enquête pure et dure. Mais je n’exclus pas, un jour, de revenir à une histoire plus longue. J’adorerais faire un livre de plus de mille pages, ne serait-ce que pour faire peur à mon éditeur ! [Rires] Je me souviens qu’après Glacé, qui avait connu un joli succès, il m’avait dit: «Si tu fais cent pages de moins, on gagne cinquante mille lecteurs. » J’étais arrivé avec mon manuscrit du Cercle qui faisait. .. cent pages de plus !
Lisez la suite de l’interview dont les propos ont été recueillis par Marc Fernandez dans votre revue Alibi#6 Les Reines du crime