Vingt-trois ans après les faits, Edwige Alessandri continue de clamer son innocence: elle n’a pas tué son mari. Trois condamnations en ont pourtant décidé autrement. Mais une contre-enquête nourrit des doutes sur ces verdicts. À 66 ans passés, et après avoir purgé sa peine, elle continue de batailler pour obtenir un quatrième procès synonyme de révision.
‘interminable marathon judiciaire d’Edwige Alessandri débute le 16 juillet 2000 à Pernes-les-Fontaines dans le Vaucluse. En pleine nuit et dans son lit, son mari est tué d’un coup de fusil de chasse calibre 12 « à bout touchant », comme l’atteste le rapport du légiste. Richard avait 42 ans. Voilà pour les certitudes. À partir de là, deux versions s’opposent: celle de la « vérité judiciaire » – c’est-à-dire le déroulé des faits établi par trois procès d’assises successifs – et celle défendue par le principal témoin de la scène, qui se trouve également être l’accusée. Entre ces deux récits, difficile de se forger une intime conviction. Il vous faudra démêler un écheveau d’indices contradictoires et arpenter les pistes d’enquête des services de police et de gendarmerie qui suivent des scénarios diamétralement opposés … Bref, tout le sel d’un fait divers d’exception. Mais reprenons tranquillement, en suivant le fil des constatations depuis le moment du meurtre.
ENQUÊTE
Vers minuit ce soir-là, les pompiers de Capentras reçoivent l’appel d’une femme en pleurs : son mari est blessé, il faut venir de toute urgence. Neuf minutes plus tard, ils arrivent sirène hurlante devant un mas provençal posé au beau milieu d’un vaste domaine isolé. Yohann, le fils aîné d’Edwige Alessandri, les accueillent et les conduit directement à l’étage. Les pompiers tombent sur une femme d’une quarantaine d’années, prostrée dans la salle de bains, à demi-nue et couverte de taches de sang. Afin de l’aider à recouvrer ses esprits, ils lui conseillent de prendre une douche. Dans la chambre du couple, il flotte une forte odeur de poudre et d’hémoglobine. Sur le lit gît le corps sans vie de Richard Alessandri, visiblement touché à la tête par un tir d’arme à feu.
CONTRE-ENQUÊTE
En plus de son avocat, elle embauche alors un détective privé en la personne de Jean-François Abgrall. Ex-gendarme, il est l’homme qui a coincé le tueur en série Francis Heaulme dans les années 1990. Il va mener la contre-enquête. En se plongeant dans les annales du crime local, il s’aperçoit que le secteur de Pernes-les-Fontaines est régulièrement la cible de home-jacking. Quelques mois auparavant, c’est un architecte qui a été visité et saucissonné à domicile. Les traces de pas et les mégots devant la maison des Alessandri sont autant d’éléments qui interpellent le privé. Tous les signes du mode opératoire d’un cambriolage sont présents. A contrario, il souligne les aberrations de l’enquête des gendarmes. Si Edwige est coupable et qu’elle a demandé à Yohann de planquer l’arme dans une haie, comment se fait-il qu’aucune trace de poudre n’ait été retrouvée sur eux ? Les experts sont unanimes : le fusil aurait dû» maculer de résidus les mains du jeune homme, même après avoir servi. Et contrairement à sa mère, lui n’a pas eu le temps de prendre une douche. En pointant ces failles dans les investigations des gendarmes, l’avocat d’Edwige obtient une première victoire : au bout de vingt et un mois de détention, elle est libérée et placée sous contrôle judiciaire. En attendant le procès, le camp de la défense opte pour une stratégie offensive et communique allègrement avec la presse.
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Alibi N°15 – Les erreurs judiciaires
– Portrait de Raphaël Nedilko, un flic solitaire qui a résolu, à force de travail et d’obstination, à élucider deux cold cases datant de plus de 25 ans.
– L’Affaire Thomas Quick, condamné pour 8 des 33 meurtres qu’il avait confessés.
– Rencontre avec un ténor du barreau, Franck Berton.
– BD Reportage: Immersion au sein de la police municipale de Rennes par le dessinateur Nicobi.