Enfant, il s’était rêvé astronaute ou champion de skate-board. Plus tard, il s’est imaginé suivre les traces des Daft Punk. En sept romans, vendus à plus de deux millions d’exemplaires, l’ancien capitaine de police devenu auteur de polars s’est réinventé une autre vie : écrivain. Peut-être pas la dernière…
uand il entame l’écriture proprement dite d’un nouveau roman, Olivier Norek commence par recouvrir la double baie vitrée qui fait face à son bureau de fiches bristol rectangulaires. Jusqu’à plonger dans une demi-pénombre le petit appartement d’angle cerné d’une terrasse, où il habite à Pantin, en banlieue nord-est de Paris. Il y vit seul. C’est ainsi : une fiche, un chapitre. Avec chaque fois, indiqué dessus avec soin, l’évolution de l’action, de ses personnages. Quand Olivier pense que tout est prêt, qu’il est allé au bout de son processus, il décolle la première fiche et il se met à écrire sur son ordinateur. Celui-ci est posé sur un grand plateau en bois clair, doux au toucher. Une fois le chapitre fini, Olivier repousse son fauteuil, se lève et il déchire la fiche. Et ainsi de suite. Voilà pour le rituel. Peu à peu, la baie vitrée reprend sa fonction de fenêtre, la lumière revient à travers les trous laissés par les bristols décollés, l’appartement s’éclaircit et Olivier peut, de nouveau, apercevoir les immeubles qui l’entourent, les toits aussi. La vue n’a rien d’extraordinaire – une petite ville de banlieue, traversée par le canal de l’Ourcq tout proche, avec des bâtiments de six à sept étages –, mais sa réapparition progressive dans la pièce d’écriture au fur et à mesure que le livre avance est un symbole fort.
Quand on en fait la remarque à Olivier, il fait mine de s’en étonner. « Ah oui, la lumière revient… » On lui rappelle les paroles en anglais d’une chanson de Leonard Cohen, « Anthem », à laquelle on pense sur le moment. Elle figure sur l’album The Future et a été utilisée par Olivier Stone pour accompagner des images de son film Tueurs-Nés. « There is a crack in everything/That’s how the light gets in… » (Il y a toujours une fêlure quelque part/C’est par là qu’entre la lumière…) L’ancien policier devenu romancier (sept romans publiés à ce
jour) sourit. Il précise, citant de mémoire Michel Audiard : « Oui, c’est ça : » Loués ou heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière. » » Olivier parle-t-il alors de lui ou de ses personnages ? Sur le moment, on oublie de lui poser la question, mais on a une petite idée de la réponse.
Quand il a emménagé dans cet appartement, Norek était encore policier. Il avait repeint les lieux en rouge, oui, en rouge, et son bureau était alors posé face à un mur. C’est là, en grande partie, qu’il a écrit ses premiers romans (Code 93, Territoires, etc.). Aujourd’hui, tout a été repeint en couleurs claires et réaménagé. Il montre des voilages fixés sur des tringles coulissantes au plafond qui permettent de délimiter des espaces. Il y a un canapé qui semble confortable, le lit où il dort est escamotable d’après ce que je comprends, et il y a un tapis de yoga en caoutchouc étendu au sol. Il fait face à un panneau effaçable où il inscrit des indications au feutre pour élaborer ses intrigues. Ce jour-là, il semble vierge. À quoi rêvait Olivier, enfant, adolescent ?
« Dès mes 16 ans, je demandais à mes parents à quoi j’allais servir, raconte-t-il. Quelle va être ma place ? J’ai écrit un livre, Le Lapin Shérif, sans doute la plus grande enquête sur moi-même, qui est l’histoire d’un gamin obligé de mettre un déguisement de lapin shérif pour se sentir fort, intéressant et merveilleux. Cela m’est arrivé. Ma mère était directrice d’école, mon père énarque, et on déménageait très souvent. Mon premier vrai ami, je ne me le suis fait qu’à l’âge de 17 ans. Quand j’étais petit, à chaque fois que j’arrivais dans une nouvelle école, un nouveau collège, je me retrouvais dans la cour de récréation avec un bouquin, un Walkman autoreverse sur les oreilles. J’avais
toujours ce problème pour me placer, m’intégrer dans un groupe. J’ai rapidement compris que si je faisais quelque chose pour les autres, le regard que l’on poserait alors sur moi me donnerait ma place dans la société. J’ai commencé par donner des cours gratuitement aux élèves en retard. Cela m’a beaucoup plu, et puis j’ai continué en faisant des missions humanitaires. Et j’ai intégré de nouveau cette idée que si j’effectuais un travail tourné vers les autres, je trouverais immédiatement ma place. Mais il faut bien comprendre que tout ce trajet n’est en réalité que du pur égoïsme enrobé, noyé de générosité. »
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