Il est sans aucun doute l’un des meilleurs auteurs du moment en matière de bande dessinée polar, mais aussi de série télé bien noire. Lui qui aime situer ses histoires du côté du mal, répond ici à toutes nos questions et en dit un peu plus sur sa manière de travailler et sur ce qui l’inspire.
© Rémy Grandroques
Le journaliste Hunter S. Thompson disait : « Quand les temps se font durs, les durs se font pros. » Il ne pensait pas bien sûr à Fabien Nury, mais celui-ci, scénariste de bande dessinée qui appuie là où ça fait mal, colle bien à la description. Avec Il était une fois en France, dessiné par Sylvain Vallée (six tomes), il a traité la période de l’Occupation par le biais d’un personnage réel ambigu, le ferrailleur Joseph Joanovici, à la fois collaborateur des nazis et de la Résistance. Avec le même dessinateur et la série Katanga, il s’est attaqué au Congo des années 1960, entre luttes de pouvoir et barbouzeries. Créateur de la série télé Paris Police 1900 (Canal+) ou de Tyler Cross, gangster éponyme de la série dessinée avec Brüno, il aime s’attaquer aux mythes, comme dans L’Homme qui tua Chris Kyle. Il y montre l’envers du décor de l’American Sniper de Clint Eastwood, en racontant la trajectoire du marine Eddie Ray Routh qui a abattu Chris Kyle. Auteur noir érudit et cinéphile, Nury est un héritier d’Ellroy et de Westlake, dont toute la bibliographie nage dans des eaux sombres.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir scénariste ?
Pendant l’enfance, ça a été Sergio Leone, le western, le polar, Bogart, Alain Delon. Après, jeune adulte, mes goûts personnels étaient plus portés vers Frank Miller, la collection Rivages Noir, Richard Stark/Donald Westlake. J’ai appris ou réappris à lire avec tout ça. Puis, à un moment, je n’ai plus toléré l’idée de faire de la gestion toute ma vie en école de commerce. Je me suis dit : « Tu ne sais pas écrire des scénarios mais tu sais écrire en français, on verra bien. » Mes premiers projets signés ont été la bande dessinée W.E.S.T avec Xavier Dorison et Christian Rossi, série dans laquelle j’ai ramené du thriller politique, puis le film Les Brigades du tigre, toujours avec Xavier. Une tentative tantôt généreuse tantôt maladroite… moi, je venais de lire le Quatuor de Los Angeles d’Ellroy, je me disais que l’on pouvait faire du polar historique différemment.
© Rémy Grandroques
Au final, le noir est-il votre domaine de prédilection ?
J’aime tous les genres classiques. Le polar étant le plus grand, le western le plus pur. J’adore l’aventure, l’espionnage, les récits de guerre. Mais, quel que soit le genre dans lequel j’évolue, j’ai tendance à ramener ça vers le noir. Après, si on parle de polar, c’est devenu un mot-valise avec une infinité de sous-genres que j’aime bien explorer : la saga mafieuse, l’enquête de police, le récit de braquage, le true crime, le thriller d’espionnage.
Pour vous, la fiction sert-elle d’abord à révéler la réalité la plus sombre ?
Mes histoires sont souvent pessimistes, il y a pas mal de relativisme moral. De manière générale, je suis plus du côté du récit criminel. Le policier cherche à comprendre ce qui s’est passé. Moi, je me dis : bon, si on montrait plutôt le criminel, on verrait ce qui se passe. Je suis du côté de la transgression.
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