C’est peu d’écrire que quiconque s’est déjà plongé dans l’œuvre magistrale, unique et tout bonnement exceptionnelle de David Peace n’en est pas ressorti indemne. Dans cet entretien mené par Patrick Manche partez à la rencontre de l’immense écrivain britannique, auteur du viscéral Quatuor du Yorkshire.
Son souffle narratif, découvert avec l’envoûtant et enragé Quatuor du Yorkshire composé de 1974, 1977, 1980 et 1983, revient à réécouter l’intégrale de John Coltrane ou des Stooges d’lggy Pop. Et être malmené par des secousses de guitares épileptiques du groupe de Détroit ou être happé par les fulgurants et démoniaques solos du génial saxophoniste. David Peace possède une prose inimitable qui doit autant à James Ellroy qu’à John Dos Passos. Un style souvent décrit, à raison, comme incantatoire, qui marque au fer rouge une bibliographie impeccable et exigeante et fait de celui qui vit au Japon depuis une bonne vingtaine d’années l’un des grands auteurs de romans noirs d’aujourd’hui.
Lorsqu’on retrouve Mr Peace le 31 mars dernier, à quelques heures d’un déplacement à Mulhouse, avant Lyon et l’incontournable festival Ouais du Polar, notre homme affiche un sourire radieux. Contraste saisissant entre la noirceur de l’œuvre et une bonhomie naturelle, et ce pour plusieurs raisons ! L’auteur de Rouge ou mort – formidable biographie du légendaire entraîneur de Liverpool Bill Shankly – n’était plus venu dans l’Hexagone depuis la sortie de l’ouvrage précité en 2014 et une visite lyonnaise en avril 2015. S’il est littéralement excité de se rendre à Mulhouse pour rencontrer lectrices et lecteurs et recueillir les premières réactions sur son dernier livre Tokyo revisitée, il a surtout hâte de visiter la Cité du train, soit le musée français du Chemin de fer. Ouvrons une parenthèse : chaque volet de sa trilogie tokyoïte, inaugurée par Tokyo année zéro (2008), suivie de Tokyo ville occupée (2010), s’ouvre sur un fait divers qui a secoué le Japon de l’après Seconde Guerre mondiale. Tokyo revisitée ne déroge pas à la règle, puisqu’il commence par la découverte du corps du président des Chemins de fer japonais le 5 avril 1949. « Mulhouse abrite le plus grand musée de trains au monde. Il me semble que c’est l’endroit le plus approprié pour évoquer mon dernier roman, mais je dois vous avouer que je ne l’ai appris que ce matin », sourit David Peace. Fin de la parenthèse. Et début de l’interrogatoire…
Pourquoi clôturer votre trilogie japonaise avec l’affaire Sadanori Shimoyama, le président des Chemins de fer japonais dont on a retrouvé le corps décapité et démembré sur les rails le 5 avril 1949, alors qu’il devait licencier plus de cent mille travailleurs ?
Je savais en commençant cette trilogie que le point de départ de chaque livre allait être une affaire criminelle importante dans le Japon sous occupation américaine de l’après-guerre. Le mystère qui a entouré la mort de Sadanori Shimoyama, c’est du niveau de l’affaire Dreyfus ou de l’assassinat du président Kennedy. Tokyo année zéro est un livre de défaite et de reddition que j’ai écrit pendant la deuxième guerre d’Irak. J’y repense souvent aujourd’hui, lorsque je vois les images de villes dévastées en provenance d’Ukraine. Tokyo ville occupée tourne autour des différentes lectures qu’on peut avoir de l’histoire, mais Tokyo revisitée est le seul des trois romans qui possède une dimension politique. Peu importent les causes du décès de Shimoyama, sa mort est avant tout symbolique, parce que c’est la mort de la gauche au Japon et le début de l’accélération de son économie.
L’interview complète à découvrir dans Alibi #11 spécial Séries TV Polar !
Alibi #11 – spécial séries TV polar
Dossier spécial sur la déferlante séries tv noires. Un grand entretien avec David Peace.
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