Plus discrète que ses cousines italiennes ou des pays de l’Est, la mafia chinoise n’en demeure pas moins très puissante. Présente dans le monde entier, elle veille sur l’image de la Chine. Entretien avec Jean-Marc Souvira, l’ex-chef de la Office central pour la répression de la grande délinquance financière qui lutte contre le blanchiment d’argent.
Il a passé une trentaine d’années à traquer les criminels de haut rang au sein de la police judiciaire. Un passage remarqué à la tête de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, puis plusieurs années comme patron de l’OCRGDF, l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière avant de finir sa carrière à l’étranger, au Maroc puis en Espagne (une expérience qu’il nous a racontée dans un texte inédit paru dans le numéro 13 d’Alibi). Jean-Marc Souvira, même s’il vient tout juste de prendre sa retraite, est sans doute l’un des flics les mieux placés pour évoquer la question de la mafia chinoise, de son importance, sa force et sa manière de procéder, lui qui a suivi l’argent de bien des voyous et a saisi quelques biens mal acquis par des bandits et des politiques (ou les deux à la fois).
En spécialiste du blanchiment, mais aussi en tant qu’auteur d’un remarquable roman, La Porte du Vent (Fleuve éditions), mettant en scène la coopération inédite entre les clans mafieux juif et chinois, il a bien voulu répondre à nos questions et nous éclairer sur l’implication des triades mais aussi de l’Etat chinois dans un contexte de globalisation du crime dans lequel il s’avère de plus en plus difficile de lutter contre cette nouvelle forme de délinquance. Car suivre l’argent, le nerf de la guerre et le but de tous les délinquants, devient une véritable gageure pour les services chargés de surveiller l’activité illégale des entreprises criminelles chinoises et tenter de les arrêter.
Plus discrète que d’autres organisations criminelles, la mafia chinoise est pourtant très puissante. Est-ce que l’on peut dire qu’elle est bien implantée en France?
Il faut prendre la spécificité des Chinois dans sa globalité et ne pas se contenter du côté bandit ou criminel, mais voir toute la diaspora. Cet aspect souterrain est totalement intégré à l’activité officielle. Car la mafia chinoise contrôle toute l’activité économique, légale comme illégale. C’est ce qui fait la différence avec les autres mafias et sa force. Les triades récupèrent un «impôt » chez les commerçants et dans le même temps elles sont aussi prêteuses d’argent. Vous ne verrez jamais un entrepreneur chinois demander un prêt à la BNP ou à une quelconque autre banque française … Il le fera auprès de la « famille ». Et le remboursement au sein de cette « famille » se fait de manière plus qu’obligatoire pour le dire gentiment, voire intransigeante … Autant vous pouvez, en fonction des situations, ne pas rembourser une banque, autant dans le cas d’un prêt via les triades, je peux vous garantir que cela n’arrive jamais, sous peine de gros ennuis. C’est ce qu’on appelle « la tontine ». Si vous avez besoin de 500 000 euros pour monter votre commerce par exemple, vous allez vous retrouver avec dix prêteurs à 50 000 et vous les rembourserez tous.
Il existe pourtant des établissements bancaires chinois en France … Effectivement, il y a cinq banques chinoises présentes chez nous, mais elles sont toutes liées les unes aux autres, avec la plus importante d’entre elles au sommet : la Bank of China. Le système bancaire, et plus largement économique, chinois en France est un ensemble parfaitement cadenassé.
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