Jean-Paul Mégret : Intime conviction

Il dirige une brigade mythique, la BRP, l’ancienne « mondaine », appelée aussi à l’époque la« brigade des mœurs ». Loin d’être un père-la-morale, ce commissaire au nom particulier porte un regard acéré sur son métier et la société. Rencontre sans langue de bois avec un flic confronté à la misère au quotidien.

© Paolo Bevilacqua

Avec un nom pareil, il ne pouvait que deve­nir flic. Même si l’orthographe diffère, quand on est commissaire et qu’on s’ ap­pelle Mégret, la référence à l’homonyme de fiction créé par Simenon est facile. Il ne s’en offusque pas, sans doute blasé après tant d’an­nées dans la police. Le commissaire Mégret, donc, nous reçoit dans son bureau au 36, rue du Bastion. Après un café et avant de répondre à nos questions, il prend un malin plaisir à nous faire visiter le fameux musée de la Mondaine, dont la porte close se situe en face de son antre. La décence nous empêche d’écrire ici tout ce que contient ce lieu intime et qu’il est formellement interdit de prendre en photo… Dommage, tant ces objets livrent un témoignage éloquent de l’histoire de celle qu’on appelait jadis la « brigade des mœurs ». On passera sur les divers ustensiles récupérés lors de perquisitions dans des clubs libertins, les cassettes VHS d’époque contenant des films interdits aux moins de 18 ans, pour s’attarder sur la lumière tamisée et le comptoir qui trône à l’entrée, donnant l’impression d’être dans une boite échangiste… C’est ici que se déroulent les pots ou autres verres de l’amitié du service. Après le tour du propriétaires, la discussion commence. Elle durera près de deux heures.

Evoquons la question tout de suite car on a dû vous la poser des milliers de fois, mais Mégret pour un commissaire, c’est un peu fort… Pas trop difficile de porter ce patronyme ? 
[Rires] Oui, ne vous inquiétez pas, j’ai ‘habitude. Après, mes parents n’on pas poussé le vice jusqu’à l’écrire de la même manière que le personnage de Simenon. Et puis, aujourd’hui, c’est une question de génération, désolé de vous apprendre que vous êtes vieux [rires], car cette référence ne parle plus trop aux jeunes recrues. Même si je continue, par habitude, de dire au téléphone« bonjour, Jean-Paul Mégret, com­missaire » plutôt que « bonjour, commissaire Mégret », sous peine de me faire raccrocher au nez ! Mais il y a pire… Cette année, nous avons monté une procédure pour proxénétisme international contre… des époux Maigret. Avec la bonne orthographe. Imaginez les PV… « Sous l’autorité de M. Mégret, agissant en qualité de commissaire[. .. ] interpellant M. Maigret.» Là , j’avoue, j’ai eu droit à quelques réflexions du genre : « Alors, vous avez arrêté vos cousins ? » 

© Paolo Bevilacqua

Plus sérieusement, la police, c’était une vocation ?
Pour répondre honnêtement, non, pas vraiment. Je fais partie de ces étudiants qui ont passé un tas de concours administratifs, dont celui de commissaire après mon service national. J’avais un oncle gardien de la paix qui m’avait présenté sa cheffe et j’ai pu effectuer un stage dans le 1ae arrondissement: j’ai trouvé ma voie. Et hon­nêtement, je ne le regrette pas du tout. J’ai aussi eu un peu de chance par rapport à mes affectations: j’ai com­mencé en 2001 sur le 1oe arrondissement de Paris, dans un service d’investigation de proximité avec des flics à l’ancienne qui m’ont montré la réalité du terrain et du métier et des jeunes très motivés, dans un quartier où il y avait du travail et avec une équipe qui a supporté mon mauvais caractère. Après, je suis parti sur des postes en police judiciaire, notamment au 1er district de PJ de Paris de 2004 à 2012, où j’ai tout connu en matière d’affaires, plus ou moins grandes (dont un magnifique gang des troncs d’églises), comme en matière de mana­gement des équipes, avec au départ une jolie querelle entre anciens et nouveaux. Mais ce sont huit années vraiment exceptionnelles, une superbe aventure au cours de laquelle j’ai appris beaucoup. Je suis ensuite passé aux stups, le service dont je rêvais, avec la chance d’intégrer ce que je voulais et celle de me retrouver à vivre une affaire des plus compliquées, quand on nous a volé 52 kilos de drogue en 2014 … Là, vous comptez vos amis. Heureusement que les gars de l’IGPN (la police des polices) ont fait le boulot et avaient une piste solide. Aujourd’hui, je peux dire que cette expérience difficile est derrière moi et que tout va bien parce que je suis ici, à la BRP. Notre chance est qu’il y avait une caméra devant la porte des scellés où étaient entreposés la drogue et que l’on a pu rapidement confondre l’auteur des faits, qui a pris dix ans de prison. Le plus compliqué a été de gérer les rumeurs et les fausses informations qui ont circulé.

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