Aujourd’hui notre histoire se situe à l’auberge de Peyrebeille, sur la commune de Lanarce, en Ardèche, au début du XIXe siècle. A cette époque, les auberges sont des lieux de passage où le client s’attend à un lieu rustique et souvent pas très bien entretenu. Mais l’auberge de Peyrebeille devient le théâtre de crimes odieux. Voici l’histoire…
De gauche à droite l’évolution de l’auberge de Peyrebeille. Celle du milieu date de la fin du XIXe. L’hôtel-restaurant modernisé aujourd’hui (© Claudio M à droite).
Au moment des faits, l’auberge appartenait au couple Martin : Pierre et Marie. Ils étaient de pauvres paysans mais, par la force des choses, ils ont réussi à devenir propriétaires et tenanciers de la fameuse auberge. Ensemble, ils s’occupaient d’entretenir les lieux tout en accueillant les voyageurs qui s’arrêtaient. Le commerce semblait prospérer et les époux Martin vivre à leurs aises. Ils avaient d’ailleurs avec eux pour travailler leur neveu André Martin et un domestique appelé Jean Rochette mais surnommé « Fétiche ». L’affaire marche bien, si bien qu’en 1830 le couple confie l’auberge à un gérant et vit de ses rentes. Cependant, le caractère tempétueux de Pierre que tout le monde craignait et la réussite visible du ménage développèrent dans le voisinage une jalousie palpable… Et c’est cette jalousie qui conduisit le couple à sa perte.
L’affaire débuta le 26 octobre 1831 alors qu’on retrouva le corps d’Antoine Anjolras sur les berges de l’Allier qui passe non loin. L’homme a le crâne fracassé et un genoux broyé. On retrouve cependant bien son portefeuille plein dans sa poche. L’homme s’était rendu quelques jours auparavant à une foire animale pour y acheter du bétail et était reparti avec une génisse. L’animal ayant réussi à s’enfuir sur le chemin du retour, il battit la campagne toute l’après-midi en vain. Epuisé et craintif de se perdre dans la nuit, il décide de s’arrêter pour la nuit dans l’auberge la plus proche : celle des Martin. Il n’en repartira jamais. Claude Pagès témoigne avoir vu ce soir là Pierre et Fétiche tirant une charrette sur laquelle se trouvait un corps et qu’ils l’auraient jeté à l’eau.
A gauche : Les crimes de Peyrebeille – Lithographie de José Roy, 1885 (Fonds Bibliothèque Municipale de Lyon) et à droite : Les crimes de Peyrebeille – Lithographie de Jules Chéret, 1885 (Fonds Bibliothèque Nationale).
Le 25 octobre, un juge de paix – Étienne Filiat-Duclaux – s’était rendu à l’auberge pour enquêter sur la disparition d’Antoine Anjolras avant qu’on ne le retrouve sur les berges. Le 1er novembre 1831, Pierre et son neveu sont arrêtés, et Fétiche le lendemain. Marie ne l’est pas tout de suite car personne n’imagine une femme capable de commettre un meurtre. C’est alors que la novelle se répand de partout et que les imaginations s’enflamment. Tout le monde se porte témoin et on leur attribue une cinquantaine de disparitions, plusieurs tentatives d’assassinat et de vols. L’auberge de Peyrebeille devient « l’auberge rouge », « l’auberge sanglante », « l’ossuaire » ou encore le « coupe-gorge ». Pourtant, l’acte d’accusation ne retient que deux meurtres, quatre tentatives et six vols.
Le procès s’ouvre le 18 juin 1833 aux assises de l’Ardèche, à Privas. 109 témoins sont appelés à la barre, qu’ils soient direct ou relayant les rumeurs qui courent à ce moment au sujet de l’Auberge rouge. Ainsi on entend de nombreuses histoires sordides : l’un raconte qu’il a vu des mains cuire dans la soupe de l’auberge, l’autre dit avoir vu les chambres et les draps tapissés de sang, on dit aussi que Marie a servi des pâtés de chair humaine ou encore que des odeurs nauséabondes sortaient de la cheminée car le couple aurait fait cuir les voyageurs, dont des enfants, dans le fou à pain de l’auberge. Les rumeurs vont bon train, tellement que le procès s’enlise, stagne et que les juges sont à deux doigts d’acquitter et relâcher les incriminés. Mais un coup de théâtre vient stopper le cercle des rumeurs infernales.
A gauche (© Médiathèques Valence Romans agglomération) le four à pain de l’auberge et à droite(© Claudio M) : reconstitution de l’intérieur d’époque de l’auberge de Peyrebeille
Un certain Laurent Chaze, mendiant de la région, aurait été chassé un soir de l’auberge car il n’avait pas de quoi payer. Il s’était alors installé dans une remise ou un grenier pour se protéger du froid de la nuit, l’hivers arrivant à grand pas. C’est là qu’il fut témoin de l’assassinat d’Antoine Anjolras. On ne parvient pas alors à savoir s’il raconte la vérité et si son témoignage est véridique car son discours semble « arrangé ». En effet, l’homme s’exprima en occitan vivaro-alpin alors que le procès se déroulait en français, la communication n’était donc pas facilitée. Mais le coup final fut apporté par l’avocat défendant Jean Rochette – Fétiche. Celui-ci défendit que son client n’était pas vraiment coupable parce qu’il était obligé d’exécuter les ordres de ses maitres et employeurs. C’est la plaidoirie qui scella le sort du couple Martin, jugés coupable du meurtre d’Anjolras, de quatre tentative de meurtre et de six vols, expliquant leur richesse grandissante et soudaine. À leur mort, leur fortune fut évaluée à 30 000 franc-or.
Le 28 juin, après 7 jours de procès, le couple et Jean Rochette sont condamnés à mort. Le neveu, lui, est acquitté. Ils sont ramenés à Peyrebeille pour être guillotinés sur les lieux de leurs méfaits, dans la cours de leur auberge. Le voyage dura un jour et demis et les religieux qui accompagnaient les condamnés témoignent d’une ambiance excessivement malsaine et oppressante pendant le trajet. A tel point qu’ils demandèrent à effectuer des rotation pour ne pas rester tout le temps en leur présence. L’exécution eu lieu le 2 octobre 1833 en présence d’une foule immense : environ 30 000 personnes.
Quan le tour de Fétiche fut venu, il s’exprima une dernière fois et dit : « Maudits maîtres, que ne m’avez-vous pas fait faire ! », ce qui répandit un doute général quant à la vrai nature des Martin. Aujourd’hui encore, de nombreux historiens remettent en doute la culpabilité du couple et pense qu’Anjolras a très bien pu mourir d’une crise cardiaque après avoir bu trop de vin.
Les corps des coupables ont été enterrés dans le cimetière de Lanarce mais elles ont disparus. Dans la nuit du 2 au 3 octobre, avec l’aide des fossoyeurs, les têtes des cadavres furent volées. Moulées et reproduites sur des photos de l’époque, elles sont conservées au musée Crozatier au Puy-en-Velay.
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