Lisa Gardner : le suspens dans la peau

Elle est la star américaine du suspense psychologique et ses livres sont parus dans le monde entier. Habituée au podium de la fameuse New York Times bestseller liste à la parution annuelle de chaque nouveau roman, elle totalise près de 25 millions d’exemplaires vendus ! Retour sur les coulisses de ce succès planétaire.

Crédit photo : © Philippe Matsas

Le rendez-vous est pris dans les magnifiques bureaux de son éditeurs parisiens, Albin Michel, au siège historique de la rue Huygens dans le 14e arrondissement de Paris, juste en face du cimetière du Montparnasse. Lisa Gardner est en tournée en France pour la sortie de son dernier roman, Au premier regard, mettant en scène ses trois héroïnes, la commandante de la Crim’ de Boston D. D. Warren, l’agente du FBI Kimberly Quincy et Flora Dane, la survivante, qui a échappé au tueur en série Jacob Ness après 472 jours de captivité. À tout juste 50 ans, cette souriante Américaine a fait de l’écriture de thrillers psychologiques son métier. Pendant longtemps, elle louait un bureau avec vue sur un cime­tière, sans doute pour trouver l’inspiration. Elle publie un roman par an, qu’elle écrit désormais dans sa propriété du New Hampshire, accompagnée de ses chiens, dans la majestueuse nature environnante. Elle nous raconte sa passion et le chemin parcouru pour arriver au sommet.

Vous avez publié 31 romans sous votre nom plus 11 sous le pseudo­nyme d’Alicia Scott [pas encore traduits en français]. Vous avez commencé à écrire très tôt ?
Je ne sais pas trop pourquoi je me suis mise à écrire au départ. J’ai tou­jours été une grande lectrice, mais je ne viens pas du tout d’une famille où on écrivait. J’ai grandi sur la côte ouest, dans l’Oregon, très loin du monde de l’édition new-yorkais. C’est peut-être justement ça qui m’a aidé. J’ignorais à quel point il était difficile d’être publié. Peut-être que j’ai écrit mon premier roman à dix-sept ans, justement parce que j’avais dix-sept ans ! Quand vous avez cet âge-là, vous pouvez tout faire [rires]. Aussi le fait que personne ne me donnait de conseils ou me disait« tu n’y arriveras jamais ». J’ai écrit un livre avec un élément de suspense. Une femme témoin d’un meurtre était traquée par le tueur. Je l’ai envoyé par la poste à plusieurs maisons d’édition. Ça a pris deux ans. Je n’avais pas d’agent à l’époque. Une d’entre elles, Silhouette, m’a appelée. Nous avons beau­coup retravaillé le texte. À la fin, seuls les personnages étaient les mêmes mais tout avait changé ! Ça a été le début pour moi. Puis, je suis allée à l’université. Ensuite, j’ai travaillé comme consultante en finance et j’ai réalisé que ce que j’aimais par-dessus tout, c’était écrire. Et je voulais ne faire plus que ça. Il fallait donc en vivre. J’y ai réussi grâce à d’autres auteurs. Aux États-Unis, il y a une véritable entraide parmi les écrivains. J’ai commencé à parler à des auteurs reconnus qui m’ont dit qu’il me fallait impérativement un agent et aller à New York. C’est ce que j’ai fait. J’ai pris une agente qui m’a conseillé d’écrire un thriller costaud, avec un serial killer (nous étions dans les années 1990) et qu’elle pourrait me dégoter un contrat. J’ai suivi ses conseils et j’ai écrit Jusqu’à ce que la mort nous sépare. Ce livre a très bien marché. Il n’était pas loin de la New York Times best-seller liste. En tout cas, il m’a permis de devenir un écrivain à temps plein.

Beaucoup de jeunes auteurs ici en France voudraient vivre de leur plume. Ça a été difficile pour vous ?
À l’époque où je travaillais comme consultante, je bos­sais 60 heures par semaine et j’écrivais de 23 heures à 1 heure du matin. Ce que je veux dire c’est que si on veut avoir l’écriture au centre de sa vie, alors il faut vraiment travailler à cet objectif de manière quasi obsessionnelle. Je travaille d’ailleurs toujours comme ça : quand j’ai com­mencé un livre, je ne peux pas m’arrêter. Il faut travailler, persévérer, s’améliorer car on devient meilleur au fur et à mesure. Et puis, il y a évidemment un peu la chance. J’ai écrit douze livres avant d’avoir vraiment du succès. Il faut certes un alignement des étoiles mais en écrivant beau­coup, vous donnez la possibilité aux étoiles de s’aligner.

Aviez-vous déjà une affinité avec le thriller ?
Dans mes précédents livres, il y avait déjà du suspense, du noir mais mon agent me demandait d’écrire quelque chose de sérieux. Or, ce qui était très intimidant pour moi, c’est que je n’y connaissais vraiment rien au système judiciaire, je n’avais aucun contact dans la police, chez les pompiers ou les médecins. J’avais 21 ans ! C’était compliqué pour moi de prendre mon téléphone et d’appe­ler la police ou le FBI pour me rensei­gner sur la procédure. Dans Jusqu’à ce que la mort nous sépare, un des personnages était un serial killer qui s’évadait de prison. J’ai donc appelé la prison d’état du Massachussetts et j’ai demandé comment faire pour s’évader. J’avoue que ça ne s’est pas très bien passé et que la direction de la prison n’a pas aimé la question ! Je me suis rendu compte qu’il fallait aborder les choses différemment.

Découvrez la suite de cet entretien par Alice Monéger dans Alibi#13

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