L’affaire fait désordre… Pensez donc : Jean-Luc Martinez, ancien président-directeur de l’établissement public du Musée du Louvre entre 2013 et 2021 placé en garde à vue, puis mis en examen le 25 mai 2022 pour «blanchiment et complicité d’escroquerie en bande organisée.»
Kezako ? On soupçonne cet archéologue, historien de l’art spécialisé dans la sculpture grecque antique, d’avoir manqué de vigilance lors de l’acquisition en 2016 par le Louvre Abu Dhabi, un musée dépendant du Louvre, d’une stèle royale égyptienne en granit rose datée de 1327 avant Jésus-Christ.
L’objet, haut d’un mètre soixante-dix et gravé au nom du pharaon Toutânkhamon aurait été sorti illégalement d’Égypte à la fin des années 70. Le pharaon y apparaît à deux reprises et y promulgue un décret assurant la protection d’un certain Raya, un grand prêtre d’Osiris.
Proposé à la commission d’acquisition du Louvre Abu Dhabi, la stèle aurait été acquise pour la somme de 15,2 millions d’euros, accompagnée de plusieurs autres objets. Aujourd’hui, elle est toujours exposée dans le musée des Émirats. En attendant que l’enquête menée depuis 2018 par le juge Jean-Michel Gentil et l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) aboutisse, Jean-Luc Martinez a conservé son poste actuel d’ambassadeur thématique, mais le ministère de la culture et le Quai d’Orsay l’ont mis en retrait de sa mission de lutte contre le trafic illicite des biens culturels. Et sa mise en examen fait désordre. C’est le moins que l’on puisse écrire.
Mais l’affaire n’est pas simple pour un néophyte. Pour comprendre, il faut remonter au vol du sarcophage doré d’un prêtre pendant le soulèvement de l’année 2011 contre le président Hosni Moubarak en Égypte.
Il avait été ensuite vendu par l’intermédiaire d’un « expert » français, Christophe Kunicki, au Metropolitan Museum de New York, celui-ci ayant fait croire, via des documents falsifiés, qu’il avait quitté le pays légalement en 1971. Suite à la révélation de cette arnaque, le sarcophage a fini par retraverser l’Atlantique et retrouvé le chemin de l’Égypte en 2019.
De fil en aiguille, cette escroquerie avait alerté l’OCBC, s’interrogeant sur I’ existence d’un réseau de blanchiment d’antiquités volées, revendues avec de fausses licences d’exportation à différents musées. Dont celui du Louvre Abu Dhabi. Et c’est là que Jean-Luc Martinez entre en jeu, en tant que vice-président du comité chargé des acquisitions pour le musée.
Dans Le Figaro, on s’interroge : aurait-il eu conscience que certains certificats concernant des antiquités en cours d’acquisition étaient de complaisance? Comme le pointent les avocats en charge de sa défense dans le même journal : «Il était l’un des douze membres de la commission d’acquisition du Louvre Abu Dhabi et n’y avait aucune voix prépondérante.»
Il aurait donc été abusé au même titre que ses collègues par des faussaires. Là où tout se complique encore un peu plus, c’est que du côté de l’Égypte, aucune sortie illégale de la stèle n’aurait été constatée et qu’un égyptologue, Marc Gabolde, ayant publié en 2020 un article sur cet objet estime que celui-ci est bien sorti d’Égypte dans les années 1930.
Alors, volé? Pas volé? Trafiqué? Pas trafiqué? Affaire à suivre …
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