Manga noir

Les liens entre littérature noire et manga sont anciens et les figures de détectives dessinées nombreuses. Mais les auteurs japonais de BD ont aussi développé un art du suspense original et singulier.

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Crédit photo : Photo de Lisa Fotios

Avec 47 millions d’exemplaires vendus et un chiffre d’affaires de 353 millions d’euros, le manga, en doublant ses chiffres de 2020, s’est imposé comme le genre dominant sur le marché de la bande dessinée en France. Une statistique résume tout : actuellement, une BD vendue sur deux est un manga. Si les plus gros succès — HunterXHunter, One Piece ou Naruto – sont des shonen, c’est-à-dire destinés au public adolescent et tiennent de la fantasy ou du combat de ninja débridé, que les amateurs de romans noirs et de sensations fortes se rassurent : il existe bien une tradition du polar dans la production japonaise.

« Le polar est très tôt présent dans cette littérature et les ponts avec le manga se sont multipliés », précise le critique Xavier Guilbert, collaborateur d’Atom Magazine, la revue de référence sur le manga en France. Il prend pour exemple « Les Enquêtes de Kindaichi, série plutôt shonen mais inspirée par un auteur de polar ». Entamée au début des années 1990, cette série de mangas met en effet en scène les enquêtes d’Hajime Kindaichi, petit-fils d’un détective important de la littérature japonaise créé par l’écrivain Seishi Yokomizo en 1946, Kõsuke Kindaichi, « sorte de Sherlock Holmes japonais, aussi extravagant que l’original », selon Xavier Guilbert.

Au sein des publications mangas, le détective de papier le plus célèbre reste certainement Détective Conan, série créée par le dessinateur Gosho Aoyama en 1994, « whodunit dans le côté le plus traditionnel ». On y suit les exploits d’un jeune lycéen, Shinichi Kudo, qui s’invente un alias pour enquêter : Conan Edogawa. Edogawa, oui comme Ranpo, la référence du polar nippon !

Le héros de Lupin III, autre franchise culte, lancée en 1967 par Kazuhiko Katõ, n’est autre que… le petit-fils d’Arsène Lupin ! Timothée Guédon, éditeur chez Kana, confirme : « Les auteurs de manga se sont familiarisés avec la littérature polar, notamment avec les romans d’Edogawa Ranpo, où l’on trouve aussi un détective mythique. Une série qui marche bien chez nous, c’est Moriarty de Ryõsuke Takeuchi et Hikaru Miyoshi, qui revisite l’univers de Sherlock Holmes, sous l’angle de son ennemi, Moriarty. Ceci dit, ce n’est pas toujours un genre facile.

Chez Kana, on n’a pas de collection dédiée au polar ou au thriller, on pioche plutôt dans la production japonaise selon nos coups de cœur. Mais il existe énormément d’histoires que l’on peut raccrocher au genre du récit policier. Des histoires avec du sang, des meurtres et des enquêtes… il y a ce qu’il faut ! ». Même Black Jack d’Osamu Tezuka, série phare de l’auteur japonais le plus influent du xxe siècle, peut être rangée dans le rayon du noir. « Avec son héros médecin qui veut soigner tout le monde, y compris les membres de la pègre, Tezuka nous emmène vers la criminalité, vers les bas-fonds de la société », constate Timothée Guédon.

Découvrez la suite dans l’article : Manga noir par Vincent Brunner parus dans Alibi #10 et notre mook spécial Manga noir avec le Alibi #14 !

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