Nicolas Lebel : prose & combat

C’est dans un café près de la place de la République, à quelques pas du club d’arts martiaux où il pratique et en­seigne le Krav maga, le sport de combat israélien, que nous avons rendez-vous avec Nicolas Lebel.

Chemisette à pois, lunettes de soleil sur la tête, ce professeur agrégé d’anglais, qui faisait écrire et jouer des films d’horreur en anglais à ses élèves, est passé de l’autre côté du miroir. Il vient de se mettre en disponibilité pour, selon l’expression, se consacrer à l’écriture.

Nous avons lu en préparant notre rencontre que vous aviez habité en Irlande dans votre jeunesse?
j’aime voyager. A 40 ans, j’avais mis le pied sur chaque continent. j’aime aller loin, rencontrer des gens qui vivent différemment. j’ai très envie d’aller en Corée, après avoir visité le Japon, la Mongolie, la Chine. ça ne m’inspire pas spécialement pour mes livres. C’est vraiment pour me dépayser. j’ai effectivement habité en Irlande quand j’étais jeune. J’étais parti comme assis­tant de langue pour un an après mes études d’anglais. J’envisageais même de m’y installer durablement mais j’ai été rappelé sous les drapeaux. C’était le service ou être considéré comme déserteur. J’avais eu des re­ports en tant qu’étudiant. Mais là  c’était la fin ! Je suis donc rentré en France et j’ai rejoint la gendarmerie, où j’ai été professeur de français auprès des appelés, et prof d’anglais auprès des officiers. Et puis on assurait aussi des missions de police militaire auprès des appelés. Cela a mis fin à mon expérience irlandaise, mais j’y suis retourné régulièrement.

Et pourquoi le polar ?

C’est un genre qui m’a plu. L’idée du premier roman est venue au bois de Vincennes, où j’allais courir. j’ai découvert qu’il y avait des tentes au bois où des gens vivaient à l’année. Je me suis renseigné sur ces gens. Ce que j’ai découvert était tellement hallucinant que j’ai voulu en parler. Ce ne sont pas des clochards, ce sont des gens qui ont des CDI, qui ne peuvent pas se loger à Paris … C’est incroyable qu’on n’en parle jamais. Comme j’ai fait une enquête pour savoir qui étaient ces gens, je me suis dit que c’était un bon schéma de polar. j’ai créé un flic qui sous prétexte d’une enquête policière pourrait parler de cette population. Évidem­ment, il me fallait un cadavre pour commencer ! Ça me permettait de dresser un tableau de cette société au bois de Vincennes, à quelques mètres d’une mé­gapole ultrariche. C’est comme ça qu’est né mon pre­mier polar, L’Heure des fous. j’aime dire que le polar est une littérature de l’indignation. C’est parce qu’on s’intéresse au monde dans lequel on vit et qu’il nous glace parfois, qu’on a envie d’écrire du polar. Pendant longtemps, le polar c’était« qui a tué ? », puis« com­ment?» et enfin avec le néopolar, on en vient au pour­quoi : que se passe-t-il dans la vie d’un individu pour qu’il passe à l’acte et se mette à tuer ? Le néopolar a relancé cette question en y répondant. C’est la vio­lence systémique de la société qui pousse un individu à la violence. On a tous une violence en nous. Je pra­tique des sports de combat depuis tout petit car j’ai le besoin de canaliser cette violence qui est intrinsèque dans notre société. Le polar va explorer ça, pourquoi on en vient à sortir du contrat social qui nous impose d’être neutre au pire et qu’on passe à l’acte. Le héros de ma première série, le capitaine Mehrlicht [en alle­mand, signifie « plus de lumière»] est cet homme qui navigue dans le noir et qui va amener le lecteur à voir la société.

Découvrez la suite de l’interview dans le dernier Alibi #15: Erreurs Judiciaires en librairie !

Alibi N°15 – Les erreurs judiciaires
– Portrait de Raphaël Nedilko, un flic solitaire qui a résolu, à force de travail et d’obstination, à élucider deux cold cases datant de plus de 25 ans.
– L’Affaire Thomas Quick, condamné pour 8 des 33 meurtres qu’il avait confessés.
– Rencontre avec un ténor du barreau, Franck Berton.
– BD Reportage: Immersion au sein de la police municipale de Rennes par le dessinateur Nicobi.

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