Paula Hawkins : la fille à succès

Rencontre avec une auteure propulsée en quelques semaines au firmament de la liste des best-sellers en Angleterre et aux États-Unis à la sortie de La Fille du train en 2015. Traduit en une quarantaine de langues, le livre s’est vendu à plus de vingt-deux millions d’exemplaires. Discrète et souriante, Paula Hawkins nous raconte sa passion de l’écriture, sa fascination pour l’observation de la société, ses doutes aussi.

© Phoebe Grigor

C’est dans le froid sibérien d’un 1er avril à Lyon, dans le cadre du Festival Quais du polar, que nous retrouvons la romancière anglaise. Chaudement installée dans le salon cosy du café L’Institution, qui comme son nom l’indique, est un centre névralgique du quartier des Jacobins (situé à quelques mètres à peine du palais de la Bourse où se tient l’événement), elle nous attend patiemment devant une tasse de thé, tradition oblige, avec un nuage de lait. Elle semble ravie d’être ici, dans l’un des salons polar les plus importants d’Europe. Si la foule ne lui fait pas peur (et il y avait du monde dans les travées ce week-end-là), elle profite de cet instant plus calme sans jamais se départir de son sourire et de sa gentillesse. Malgré le succès, elle reste accessible et elle a su garder la tête froide et les idées claires. Elle répond en anglais à toutes les questions et, par moments, tente quelques mots de français. So cute, isn’t it ? Entretien chaleureux, comme au coin du feu…

Commençons par le début : Vous avez grandi au Zimbabwe avant de vous installer en Angleterre, c’est bien cela ?
Je suis née à Harare et j’y ai vécu jusqu’à l’âge de 17 ans. Mon père est un universitaire. Il a décidé de prendre une année sabbatique et nous sommes venus passer un an à Londres. Mes parents sont ensuite repartis au Zimbabwe et y vivent toujours. C’était la fin du lycée pour moi et je suis restée en Angleterre pour faire mes études, à l’université d’Oxford, au Keble College. Oxford est une ville magnifique, très particulière. Avec le recul, j’ai un sentiment partagé sur cette période de ma vie. C’est une université très élitiste. Il m’a fallu gommer mon accent zimbabwéen pour être acceptée, par exemple. Dans le collège où j’étais, il y avait très peu de femmes, à l’époque, c’était très masculin. Mais je reconnais que c’était aussi un privilège immense de pouvoir y étudier. L’université d’Oxford a des bibliothèques fantastiques et le cadre y est idyllique.

© Phoebe Grigor

Est-il vrai qu’Oxford cristallise la société anglaise de classes, scindée entre ceux qui font partie de l’université – professeurs et étudiants – et les autres ?
Tout à fait, la séparation est très marquée entre les Town and Gown [comprendre les gens de la société civile versus ceux qui portent la robe académique]. À cette époque, vous aviez déjà envie d’écrire ? Oui, je rêvais de devenir journaliste. J’ai étudié les sciences politiques, l’économie et la philosophie. C’est un diplôme que beaucoup préparent avant de se tourner vers le journalisme ou la politique. Mon père est professeur d’université mais il a écrit plusieurs livres et collaboré au Financial Times. En grandissant, j’ai côtoyé de nombreux journalistes qui nous rendaient visite. Ils avaient toujours des histoires passionnantes, des reportages à raconter. Ça me faisait rêver ! En réalité, je n’ai jamais rien fait de bien excitant dans le domaine : je ne suis pas devenue correspondante à l’étranger. J’avais une idée un peu romantique du journalisme. Je pense qu’à cette période, j’aurais été incapable de verbaliser une envie d’écrire de la fiction. Ça ne me semblait tout simplement pas réaliste, pas un moyen de gagner sa vie, pas une carrière atteignable en somme. Je ne connaissais d’ailleurs aucun écrivain. Ça me paraissait vraiment très loin de moi.

Alors comment êtes-vous venue à l’écriture de livres ?
Entre 20 et 30 ans, j’ai fait quelques tentatives. J’ai écrit plusieurs histoires mais je ne les ai montrées à personne. C’est seulement bien plus tard que j’ai osé le faire, quand j’ai pris un agent. En fait, c’est plutôt l’inverse qui s’est passé. Une agente a pris contact avec moi pour écrire un essai, un guide financier destiné spécifiquement aux femmes. Elle avait lu un de mes articles dans un journal et m’a proposé un contrat pour écrire un livre. Ce que j’ai fait. C’était la première fois que quelqu’un croyait en moi et je me suis dit : « Pourquoi pas ? » Et puis pendant longtemps, j’ai laissé cette idée d’écriture de côté. Un jour, un éditeur m’a appelée. Il avait cette idée de romance qui se passerait pendant la crise des subprimes. Comme j’étais journaliste économique, il se disait que je saurais décrire au mieux l’atmosphère de la City à cette période-là. J’ai donc publié quatre livres sous le pseudonyme d’Amy Silver. La route a donc été longue et sinueuse ! J’avais besoin que des gens me poussent à écrire. J’imagine que je n’avais pas assez confiance en moi pour me lancer spontanément dans la fiction.

Si vous souhaitez découvrir la suite de l’entretien, rendez-vous dans le Alibi#10 !

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