Experte des scènes de crime depuis vingt ans, cette capitaine de police est une référence au sein de l’identité judiciaire de Paris. Diplômée en thanatologie, auteure de cinq livres sur le sujet, elle nous livre les secrets d’une profession hors normes, bien loin des clichés télévisuels.
Crédit photo : Paulo Bevilacqua
On peut crouler sous les dossiers regorgeant de photos de macchabées, avoir assisté à plus d’autopsies dans sa vie que la plupart des tauliers de la Crim’ et tenir néanmoins au confort de son cadre de travail. Posters de films sur les murs, canapé en toile, lumières d’ambiance… Au sein de l’identité judiciaire de Paris, le bureau dans lequel nous reçoit Perrine Rogiez-Thubert n’a pas grand-chose à voir avec les décors hightech, froids et bleutés de la série Les Experts… Elle en est fière : « Souvent, on nous imagine dans un truc clinique, avec une blouse blanche. Mais non ! » Qu’on se le dise, rien n’est aseptisé chez elle, pas plus son espace professionnel que sa personnalité, aussi directe que réfractaire aux charmes de l’euphémisation du langage policier. Pour elle, un cadavre est un cadavre. Autant ne pas tourner autour du pot quand on est chef adjoint de la SIC, la section d’investigations criminalistiques, et qu’on chapeaute les équipes qui analysent plus de trois cent cinquante scènes de crime par an… Les experts de l’homicide à la parisienne, les vrais.
Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de faire un travail aussi… particulier ?
[Elle tend le bras vers une étagère à proximité] Ça : les livres de mon enfance ! Je dévorais toutes les nouvelles d’Alfred Hitchcock ou les livres d’Agatha Christie et je m’endormais avec eux dans les mains. Ce qui me fascinait, c’était tout le travail de l’enquêteur, d’aller sur une scène de crime, de chercher des indices… Un peu plus tard, j’avais demandé à mon père comment savoir ce qu’on voulait faire comme métier et il m’avait dit que le mieux, c’était de choisir parmi ses passions. J’avais 8 ans et je savais déjà ce que je voulais faire.
Les Experts, ça a modifié les regards sur votre métier ?
La série a suscité une vague de vocations. Avant, quand on me demandait ce que je faisais dans la police, je devais expliquer. Après, c’était nettement plus simple ! Je l’ai regardée au début par curiosité pour voir si c’était réaliste. Dans l’ensemble, c’est pas mal. Mais les acteurs ne portent jamais la tenue réglementaire en intervention. La combinaison technique, ça ne passe pas bien à l’image.
À l’arrivée, est-ce que c’est aussi bien que dans les romans ?
En tout cas, on voit souvent des choses qui dépassent la fiction. Je me souviens d’un type qui avait fait un Polaroid de lui posant avec le cadavre de sa victime pour montrer qu’il avait rempli son contrat… et qui avait oublié le cliché sur le lieu du crime ! C’est génial. Heureusement qu’ils sont un peu bêtes, parfois. Ça nous aide…
Découvrez la suite de l’interview de Paul Sanfourche dans Alibi#4 Au cœur des prisons
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