Podcast : Le mur du son

Que se passe-t-il derrière les murs d’une prison ? Pour le savoir, rien de tel que l’écoute de deux podcasts originaux, un américain et un français. L’un fabriqué dans un centre de détention californien, l’autre à base de témoignages de détenues en France.

Ils s’appellent Earlonne Woods et Antwan Williams. Leurs noms ne vous disent sans doute rien, mais ces deux-là ont marqué l’histoire des podcasts. Créateurs de Earl Hustle, ils sont les premiers à avoir réalisé leur projet sonore depuis… la prison de San Quentin (Californie). Que se passe-t-il derrière les murs de l’un des établissements pénitentiaires les plus durs du pays ? Ces deux prisonniers racontent leur quotidien et celui de leurs codétenus dans une série qui compte une soixantaine d’épisodes et des millions de téléchargements. Ils ont même été, excusez du peu, finalistes du prestigieux prix Pulitzer 2020. Pour les accompagner dans leur travail, l’artiste Nigel Poor. Elle a monté le programme avec eux en 2016 pour une première saison diffusée en 2017, après des ateliers de… photo. « Notre but est de montrer la vie en prison sous son vrai jour et en dépeindre avec humour et férocité le quotidien », explique-t-elle au L. A. Times peu de temps après le lancement. En quelques semaines, le podcast s’est hissé dans le top 5 des plus écoutés avec des épisodes comme celui consacré à la cohabitation en cellule, mais aussi celui sur le pardon ou sur la musique. Baptisé d’après l’expression argotique qui signifie « écouter aux portes », il a permis à Earlonne Woods de… sortir de prison, sa peine ayant été commuée en travaux d’intérêts généraux par le gouverneur de Californie.

Sans doute Adèle Humbert et Émilie Denètre ont-elles écouté Earl Hustle avant de se lancer dans la création de Détenues. Au sein de leur studio Insider Podcast, connu pour l’excellent 1 000 degrés, elles ont mis en ligne cette
Que se passe-t-il derrière les murs d’une prison ? Pour le savoir, rien de tel que l’écoute de deux podcasts originaux, un américain et un français. L’un fabriqué dans un centre de détention californien, l’autre à base de témoignages de détenues en France.

Le mur du son série de neuf épisodes avant l’été. « Nous avons été contactées par Eva Goron, avocate pénaliste. Elle avait envie de mettre en lumière des sujets en lien avec sa profession et peu abordés dans les médias. Nous avons réalisé que nous connaissions mal la vie à l’intérieur de la prison, et plus particulièrement celle des femmes. La seule référence, dans la culture populaire, reste Orange is the New Black, qui est une fiction sur des détenues aux États-Unis », explique Adèle. « Notre point de départ, c’est le constat de l’invisibilisation de la situation des femmes détenues qui ne représentent que 4 % de la population carcérale en France », poursuit Émilie.
Les deux journalistes souhaitent des récits forts et intimistes, mais aussi très universels car « ces femmes incarnent une forme de puissance et de résilience auxquelles chacune d’entre nous peut s’identifier. Avant d’être une trafiquante de cocaïne, Bianca est une entrepreneure – elle voulait gagner des sommes importantes rapidement pour pouvoir ouvrir son salon de coiffure – ; Gabrielle arrive en prison à un moment de sa vie où elle a besoin de se recentrer sur elle-même et sur sa spiritualité ; Julie est mère de famille. Chacune incarne une problématique à laquelle nous pouvons tous être confrontés. » Au-delà des témoignages, il s’agit aussi de questionner le système  pénitentiaire en France : quelle place pour les femmes transgenres en prison ? Comment maintenir le lien d’une mère avec ses enfants ? Comment se reconstruire après la prison ? Neuf épisodes d’une dizaine de minutes chacun sont disponibles sur toutes les plateformes de diffusion.

Deux podcasts bien différents mais qui traitent d’une même thématique, incontournables pour quiconque s’intéresse au sujet de la prison. « Notre vision s’est affinée : elle est devenue plus concrète grâce aux témoignages
de ces femmes qui nous racontent leur vécu et le quotidien derrière les murs », affirment les deux journalistes. Il en sera de même à l’écoute de Earl Hustle, qui va à l’encontre de tous les clichés diffusés par le cinéma ou les séries.

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