« Il ne faut pas confondre le réel et l’exactitude. Chacun a sa réalité, sa vérité. L’exactitude, c’est deux et deux font quatre, c’est indiscutable.»

Alfred Hitchcock disait qu’il était tout aussi ridicule de demander à un écrivain de fiction d’être exact que de juger de la qualité d’un tableau en fonction de sa ressemblance avec le réel. Et pourtant… Le polar sous toutes ses formes, dans les romans, les séries ou les films, permet à ceux qui écrivent ou réalisent d’être des témoins du monde, de montrer les dysfonctionnements d’un système ou ses injustices, de plonger dans les coulisses du pouvoir, de le contester parfois, de mettre au jour des comportements que certains voudraient garder secrets, d’explorer les zones d’ombre les plus troubles de la nature humaine. Bref, de nous tendre un miroir, qui réfléchit une image parfois peu reluisante de nous-mêmes ou de la société dans laquelle nous vivons. « Le monde ne sent pas très bon, mais c’est celui où l’on vit », écrivait Raymond Chandler, l’un des maîtres du noir. Comme en écho au père du détective Philip Marlowe, Albert Camus faisait du policier, dans Les Justes, « le centre des choses ».
Si le succès du « mauvais genre », comme on l’appelle, peut faire penser que cette tendance au réalisme est récente, elle date pourtant déjà. Du côté des grands textes classiques, le fait divers et la réalité criminelle sordide ne sont jamais bien loin. Le Rouge et le Noir, de Stendhal, s’appuie sur deux affaires de meurtres, Madame Bovary, de Flaubert, retrace la vie et l’histoire bien sombre d’une certaine Delphine Couturier, qui finit par se donner la mort après avoir ruiné son mari. Plus proche de nous, c’est un livre publié en 1966 qui va s’imposer comme le modèle d’un genre nouveau, entre roman et récit véridique: De sang-froid, de Truman Capote. Souvent copié, rarement égalé. l’.auteur restera fidèle aux faits tout en s’interrogeant sur la capacité de l’homme à faire le pire, c’est-à-dire ôter la vie à un autre, de manière sauvage et gratuite.
Cinquante ans plus tard en France, un autre roman va marquer cette littérature du réel, L.’Adversaire, d’Emmanuel Carrère, paru en 2000, retraçant l’histoire surréaliste de Jean-Claude Romand, dont la vie ne fut que mensonge et qui finira par assassiner toute sa famille.
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Alibi#5 : Le polar, miroir de la société
The Truman Capote à engrenage
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