Acteur, réalisateur, scénariste, il est l’une des figures emblématiques du polar sur grand et petit écran. Films sombres, séries noires, faits divers, engagement. Celui qui a joué bon nombre de rôles de flic comme de voyou répond sans langue de bois à toutes les questions sur le genre et sur lui. Un interrogatoire couleur outre-noire.
Crédit photo : Philippe Mazzoni
La classe. Comme souvent. Pull noir à col roulé, jeans, chaussures cirées. Il se relève du canapé dans lequel il était installé et dit bonjour. Présence immédiate sans avoir besoin d’en rajouter. Roschdy Zem est un comédien si discret que tout le monde a envie d’en faire son cousin. Ou un ami de la famille. Ou un pote de longue date. Il arpente les plateaux de cinéma depuis plus de vingt ans et il semble avoir toujours été là. C’est sans doute ainsi que l’on fait carrière. Pas d’éclats intempestifs, plutôt une force tranquille. Il est là, il est juste. Tout le temps. Au rayon polar, il a joué les flics et les voyous. Son premier rôle marquant : un toxico dans N’oublie pas que tu vas mourir de Xavier Beauvois, en 1996. Il entame la trentaine et enchaîne déjà les apparitions ici ou là depuis dix ans. Petit à petit, il prend du galon dans le genre : Fred, Ma petite entreprise, 36, quai des Orfèvres, Le Petit Lieutenant, Go Fast, Hors-la-loi, À bout portant, Une nuit, Mains armées…, et le dernier, et non des moindres, Roubaix, une lumière, d’Arnaud Desplechin, sélectionné au Festival de Cannes, en 2019.
Ça, c’est pour le Roschdy acteur. Côté auteur, scénariste et réalisateur, il n’est pas en reste de films de genre, à commencer par Omar m’a tuer, son second long métrage, en 2011, un thriller judiciaire qui met en lumière les incohérences de l’affaire Omar Raddad. En juillet2019 sort Persona non grata, polar qui chronique la corruption dans le milieu du BTP du sud de la France. Il demande l’autorisation de fumer une clope, commande un thé, se sent prêt.
Vous avez tourné dans de nombreux polars, vous en avez aussi réalisé : hasard, envie ou nécessité ?
Dans les années 1980, le polar disparaissait du grand écran pour aller à la télé et j’en étais. Puis le genre est revenu doucement au cinéma et j’ai aussi fait partie de cette vague-là. En 1997, il y a eu Fred, de Pierre Jolivet, qui était plutôt un film noir, mais le succès initial dans le genre, pour moi, a été Le Petit Lieutenant, de Xavier Beauvois, en 2005. Difficile de comparer tous ces films, mais on peut dire que ces cinéastes y racontaient aussi la société. J’étais très heureux de participer à ce mouvement. J’ai toujours été réfractaire aux comédies. J’aime ça, mais je ne suis pas le premier qu’on vient chercher. Cela dit, je ne suis pas non plus le premier à me présenter.
Comme une boucle d’hier à aujourd’hui, Fred, votre premier polar, a un lien avec le dernier en date que vous avez aussi réalisé, Persona non grata : le genre revisité par le social… Est-ce ainsi que vous l’aimez ?
C’est une façon moderne de parler de la nature humaine, de pointer ce que nous sommes, de mettre en scène ce qui nous rend faibles ou courageux. La structure du polar est suffisamment précise et connue pour qu’on puisse raconter les uns et les autres à travers des péripéties. Ce n’est pas pour rien qu’on retrouve la trame du polar dans les tragédies grecques. Une autre caractéristique importante, qui pour moi est un avantage, c’est que le film policier, dans son sens le plus large, est un spectacle.
Pourquoi aimez-vous ces rôles-là ?
Parce que ces personnages borderline expriment ce qu’il y a de plus douloureux en nous. La différence entre ces types et nous, c’est qu’ils franchissent la ligne que nous nous interdisons de franchir. Parfois nous la mordons, eux vont au-delà. Le champ des possibles est alors illimité : j’aime imaginer, sans crainte, ce qui peut leur arriver.
Retrouvez la suite de cette entretien avec Eric Libiot dans le Alibi#1
Alibi#1 Affaires non résolues
En quête de vérité
Portrait de Roschdy Zem: l’acteur se livre sans détour dans un long entretien au cours duquel il clame son amour pour le polar