Le manga et l’animé sont les nouvelles passions françaises. Mais quelle place tient le polar dans cet art d’extrême-orient ? Petit tour d’horizon de cette récente culture pop. Du Club Dorothée à Urasawa, de Goldorak à Detective Conan, le manga servi bien noir est présent sur tous les écrans.
Il fut un temps où une ancienne candidate à la présidentielle de 2007 pouvait tranquillement dire des séries animées japonaises:« tout cela n’est que coups, meurtres, têtes arrachées, corps électrocutés, masques répugnants, démons rugissants. La peur, la violence, le bruit.» Elle parlait bien de« séries débiles», ou de ce que d’autres qualifiaient à l’époque de « japoniaiseries »… Il n’y a pas si longtemps donc, les bandes dessinées (manga) et les dessins animés (animé) provenant du Japon étaient encore considérés comme des repoussoirs et on craignait même qu’ils puissent décerveler des générations entières d’enfants, happés par ces histoires brutales et (parfois) sexualisées. Mais ces discours semblent aujourd’hui obsolètes. En tout cas, les BD japonaises n’ont jamais été aussi populaires.
Entre effets de mode et vraie montée en puissance, les mangas ont progressivement abandonné leur image de culture violente et cheap pour devenir l’une des littératures les plus en vogue de l’époque, comme le montre ce dossier. Et ils sont désormais partout : dans les cours de récrés, dans les textes des rappeurs les plus célèbres, imprimés sur le dos ou les bras des athlètes stars, dans la mode ou le luxe (qui n’a pas sa montre ou son T-shirt Dragon Ball ?), et même dans les salles de cinéma avec des triomphes en tout genre (le dernier film One Piece fut un carton retentissant).
Résultat: on a les surnoms qu’on mérite. Depuis quelques années, la France est ainsi devenue« l’autre pays du manga ». Si l’édition de livre se porte cahin caha, les mangas eux prospèrent. Mieux, ils explosent. La diffusion des BD nippones aurait ainsi plus que doublée entre 2020 et 2021 (+ 124 %, rapportant plus de 200 millions d’euros). Et le mouvement s’accélère, ce marché représentant aujourd’hui dans l’hexagone une vente de BD sur deux. Plus de 40 millions d’exemplaires de mangas ont ainsi été vendus en 2021.
Les facteurs de ce nouvel engouement sont connus et répertoriés. D’abord il s’agit d’une passion historique de la France pour la culture japonaise. On peut même dater cela précisément. Tout commence en Juillet 1978, quand l’émission Récré A2 s’offre Goldorak pour boucher les trous de sa programmation estivale pour la jeunesse. Le succès (phénoménal) est tel que la chaîne décide de capitaliser sur cette passion des jeunes pour les dessins animés et se met à exploiter le filon sans vergogne. En quelques années, les vannes sont ouvertes. Ce n’est plus seulement un succès : c’est un raz de marée. Les Chevaliers du Zodiac, Ken le survivant, Nicky Larson ; Cat’s Eyes, Heidi et Candy. Les animés débarquent et des émissions comme Le Club Dorothée tissent chaque année un peu plus le lien entre les gamins français et la culture nippone, au grand dam des parents et des institutions. La démographie a fait le reste : marginalisés hier, les fans d’animés et de mangas sont désormais aux commandes et sont devenus les prescripteurs d’aujourd’hui.
Pourtant, il aura fallu un événement bien conjoncturel pour que tout s’accélère: le Covid. Ce sont les confinements qui ont fait exploser la lecture de BD japonaises par les jeunes français. Chez les éditeurs spécialisés (Kana, Glénat ou Pika) la croissance se mesure à trois chiffres depuis le lockdown.
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