Une chose à cacher

Une chose à cacher, d’Elizabeth George, trad. Nathalie Serval, éd. Presses de la Cité, 682 p .• 24 €.
La plus britannique des romancières américaines signe un nouveau volet de sa série mythique, mettant en scène l’inspecteur Sir Thomas Linley et son adjointe, la sergente Barbara Havers.

 

Pour les amateurs de la série, c’est un pur plaisir de lecture. Retrouver ces personnages hauts en couleur là où on les avait laissés la dernière fois dans La Punition qu’elle mérite, paru en 2019. l’.inspecteur Linley, devenu depuis le temps commissaire, la tristesse et la nostalgie qui émanent de cet homme bon, intelligent, terriblement snob, et son binôme historique, qui est son opposé : un peu pataude, fumeuse invétérée, hostile à toute alimentation saine, qui jure comme un chartier mais qui écoute des livres audio à l’eau­de-rose dans sa Mini déglingée au sol jonché d’emballages de fastfood huileux. Mais aussi les fidèles qui entourent ce couple : Winston Nkata, le robuste inspecteur qui vit encore chez papa-maman ; Deborah, la confidente de Linley, photographe aguerrie qui partage la vie de Simon Saint-James, grand spécialiste judiciaire et de médecine légale. Et bien d’autres encore.
Plonger dans les près de 700 pages de ce pavé, c’est plonger dans la société anglaise contemporaine, sous toutes ses facettes. Ce que réussit brillamment Elizabeth George, pourtant américaine(!), c’est de croquer les Anglais aussi bien ou même mieux que ceux-ci pourraient le faire. Cette fois-ci, elle s’attaque à un sujet épineux, tabou et ter­rible, celui des mutilations génitales féminines, autrement dit les excisions. Le pitch : Teo Bontempi, agente au sein d’une brigade luttant contre les violences faites aux femmes, est assassinée. Linley, Havers et Nkata sont chargés de l’enquête qui risque de faire du bruit. La victime est flic, elle est d’origine nigériane et il s’avère qu’elle a été excisée dans son enfance. Or, elle enquêtait justement sur une clinique qu’elle soup­çonnait de pratiquer des mutilations génitales médicalisées, une pratique qui fait de l’ombre aux exciseuses traditionnelles. Dans le même temps, dans le quartier de Dar­lston, à Mayville Estate dans le Nord-est de Londres, vit Tanimola Bankole, adolescent issu d’une famille nigériane, Avec sa mère et sa petite sœur Simisola, d’à peine huit ans, il subit le joug de son père Abeo, bien déidé à  suivre la tradition de son pays d’origine. Homme violent, il fait régner la terreur chez lui. Or Tani se sent avant tout anglais, il ne voit pas pourquoi il devrait se plier à  la tradition nigériane. Son père veut le marier de force à  une jeune fille au Nigéria moyennant une dot pécuniaire importante. Mais pire, il a bien l’intention d’éduquer sa fille selon la tradition pour qu’elle soit « pure » pour son futur mari, autrement dit, il veut qu’elle soit excisée selon les rites ancestraux, perpétrés par les femmes elles-mêmes, pourtant victimes de cette pratique…
Elizabeth George aborde ce sujet ô combien difficile avec intelligence et sensibi­lité, sans manichéisme. l’enquête est menée tambour battant, à  mesure que la peur ternit l’innocence de la jeune Simisola, qui ne comprend pas pourquoi il faut fuir la maison. Bien plus qu’un polar, c’est un roman d’une grande force, qui comme toujours chez cette auteure que nous apprécions grandement, livre une radiographie pertinente de l’Angleterre. C’est bien elle la reine du British crime !

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