Voilà, c’est fini ?

La justice suédoise a clos, au mois de juin, sa plus longue enquête, celle sur l’assassinat du Premier ministre Olof Palme, survenu 34 ans plus tôt. Mais bien des questions demeurent sans réponse.

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L’affaire a passionné la Suède d’abord, le monde entier ensuite. Le 28 février 1986, Olof Palme sort du cinéma avec son épouse et rentre chez lui à pied, sans garde du corps, quand il est tué par balles en pleine rue. L’assassin a tiré dans le dos du Premier ministre social-démocrate et a pris la fuite. Le début d’un long cauchemar pour la police suédoise. Ce jour-là, « la Suède a perdu son innocence », est-il coutume de dire dans le pays. Car Palme était une figure politique charismatique et sa mort le plus grand mystère criminel de l’histoire de cette démocratie nordique. Ce meurtre a tellement ébranlé la société suédoise, que l’on a donné un nom à la dépression générale qui s’est emparée du pays peu après : la « Palmesjukdom », peut-on lire dans le quotidien britannique The Guardian. Parmi ses symptômes, une frénésie à avouer à la police que l’on est l’assassin : pas moins de 180 aveux spontanés ont ainsi été enregistrés en 34 ans, tous infondés évidemment. Le procureur de Stockholm, Krister Petersson a mis fin aux spéculations le 10 juin dernier en annonçant, au cours d’une conférence de presse, le nom de l’assassin présumé : Stig Engström. Ce graphiste de profession « est décédé, je ne peux donc pas engager des poursuites ni même l’interroger, c’est pourquoi j’ai décidé de clore cette enquête », a déclaré le magistrat. Fin du mystère ? Rien n’est moins sûr. Engström est un nom bien connu des policiers comme du grand public. Il était même surnommé « l’homme de Skandia », du nom de l’entreprise d’assurances dans laquelle il travaillait au moment du meurtre, dont les bureaux étaient situés à quelques mètres à peine de la scène de crime. Connu pour ses idées très à droite, « il haïssait Palme et avait des sympathies dans l’armée », affirme Olivier Truc. L’auteur du Dernier Lapon vit en Suède depuis longtemps, où il a été le correspondant du Monde durant des années. Arrivé parmi les premiers sur les lieux puis entendu comme témoin et suspecté ensuite par la police, Engström était jugé comme peu fiable tant il avait changé de versions. Il a fini par se suicider en 2000, à l’âge de 66 ans, emportant ses secrets avec lui.

© Photo archives SCANPIX SWEDEN / AFP

Et des zones d’ombres, il y en a encore beaucoup. L’arme du crime n’a jamais été retrouvée par exemple, alors que la police suédoise affirme en avoir testé près de 788. Les forces de l’ordre ont aussi été pointées du doigt dès le début de l’enquête pour leur manque de sérieux et de professionnalisme. Le soir du drame, elles n’ont pas correctement bouclé la scène du crime, détruisant ainsi de potentielles preuves. Elles ont mis l’accent sur de nombreuses pistes hasardeuses, perdant un temps précieux. Comme souvent quand un crime reste impuni, encore plus quand il s’agit d’une personnalité politique de la trempe d’Olof Palme, bien des théories ont vu le jour sur l’identité des commanditaires. Le PKK, parti des travailleurs kurdes, les services secrets sud-africains voire l’armée et la police suédoise ont ainsi été soupçonnés d’être derrière l’homme qui a tiré. Illustration du flou autour de cet assassinat, l’arrestation d’un homme, identifié par Lisbeth Palme, l’épouse du Premier ministre, comme l’auteur du crime. Christer Pettersson, délinquant toxicomane, a été déclaré coupable en 1989 puis relaxé et libéré quelques mois plus tard pour insuffisance de preuves. L’actuel Premier ministre suédois reste persuadé qu’il est coupable. L’homme est malheureusement décédé en 2004. Le procureur dit n’avoir trouvé aucun élément allant dans le sens d’une conspiration sur le ou les commanditaires du meurtre notamment, mais explique dans le même temps qu’il ne peut tout à fait écarter cette hypothèse. Bref, si des preuves ou des informations allaient dans ce sens, l’enquête pourrait être rouverte. Le mystère de la mort d’Olof Palme semble loin d’avoir dévoilé tous ses secrets. Et les théories contredisant la version officielle risquent de repartir de plus belle.

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